
Rencontre avec Céline Estelle, l'auteure au style rayonnant qui nous fait découvrir son univers littéraire à travers L'Été Gigi
Céline Estelle et L’Été Gigi : l’amour adolescent sous une chaleur écrasante et des accords de guitare rêche
Dans un petit village viticole aux relents de terre chaude et de raisins trop mûrs, l’été prend des allures de cinéma en super 8. C’est là, à l’ombre d’arbres centenaires et sur fond de cris d’hirondelles volant au dessus de la Marne, que L’Été Gigi de Céline Estelle prend racine. Un roman d’initiation, comme un tatouage à l’encre bleue des années 80 qu’on n’aurait jamais vraiment voulu effacer…
en citation :
« L’Été Gigi, c’est l’histoire de cet été-là, celui qu’on a tous vécu ou rêvé de vivre : moite, électrique, bouleversant ! »
Une héroïne rockab’ et solaire
Gigi, c’est la comète ! La Parisienne débarquée avec son rouge à lèvres carmin, ses jupes qui tournent et son accent à couper les ceps. Une rockabilly à l’âme punk, et des éclats de rire grands comme le monde ! Elle débarque, elle détonne, sa beauté aspire tout sur son passage ! Autour d’elle gravitent Tristan, adolescent insolent à l’allure « ska », passionné de Joy Division, et Emma, 14 ans, en équilibre entre l’enfance qui s’effiloche et le désir de comprendre ce que les « vieux » cachent derrière leurs silences, désireuse de trouver une mission à sa vie et de marcher dans les pas de Gigi, la grande sœur fantasmée.
Un trio incandescent
Ici, pas de drames grandiloquents ni d’intrigues à rebondissements. Juste des corps en mutation, des regards qui traînent plus longtemps qu’ils ne devraient, et des nuits d’été où la chaleur colle à la peau. Céline Estelle ne cherche pas à enjoliver même si les descriptions sont fines. Elle capte le grain, les frictions, les silences plus bruyants que les mots, tout ce qui se terre derrière, tout ce qu’on aurait voulu dire mais qu’on a retenu en nous… L’Été Gigi, c’est l’histoire de cet été-là, celui qu’on a tous eu ou rêvé de vivre : moite, électrique, bouleversant doublé d’un bouquet final époustouflant en émotions.
Un roman comme une clope au petit matin
Ce qui frappe dans le style de Céline Estelle, c’est la rugosité douce de sa plume qui passe d’une facture fleur bleue à une touche décadente, avec une facilité profonde. Ça blesse, ça pique, puis ça caresse encore et encore. Une langue sans fard, délicate et toujours vraie, rude parfois. Une nostalgie archi sucrée puis un récit brut imbibé de sueurs nocturnes, de vin local et du questionnement des premières fois… Trouver sa voie, trouver son appel ou trouver l’amour ? Lequel des trois vaut vraiment le coup ? Doit-on renoncer à certaines amitiés pour trouver l’Amour ?
Oui Céline Estelle parle ici d’amour, mais pas celui des magazines, ni celui que les tendances formatent. Elle nous conte l’Amour qui fait peur, celui qui griffe, qui fait mal et qui vous fait grandir. Celui à côté duquel on passe le plus souvent. Ou celui qui nous a été ravi lorsqu’on était enfin prêt. Et puis il y a ce pont constant avec l’Au-delà, à la fois dérangeant pour celui qui ne croit pas, et rassurant pour les autres. L’amitié décrite par Céline Estelle n’est pas moins viscérale, charnelle, confuse. La frontière entre amis et amours, elle, semble toujours s’effacer davantage. Il y a aussi cette question lancinante qui tient toute l’intrigue : et si nos blessures d’hier devenaient nos moteurs de demain ?
L’adolescence sans filtre
Céline Estelle, auteure et thérapeute installée à Vichy, signe ici un roman qui fleure bon la vie dans les 80’s, l’éveil des sens, les frontières floues entre l’amitié et le désir. Elle dit être viscéralement liée à celui-ci. « L’été Gigi est vraiment le livre dont je suis la plus fière car il prend aux tripes » dit-elle. Et derrière la métaphore filée de la douleur liée à la disparition physique, on sent un vécu authentique. On ne se contente d’ailleurs pas de cette fin. Pour le lecteur qui s’attache aux personnages, il faut une réponse ! Comme un fin limier on se prend à enquêter pour savoir si Tristan a vraiment existé et si oui qui était réellement Gigi ? L’Été Gigi n’est pas juste un roman d’été, c’est un poème grunge, un cri doux-amer lancé à l’adolescence. Un rappel que chaque éclat de lumière possède sa part d’ombre. Et que certains étés peuvent tout changer !

3 questions à Céline Estelle
Quel est le message principal porté par L’été Gigi ?
Vivre et aimer pleinement : tel est le cœur du roman. L’amour, miroir de l’Amour premier, donne sens à notre existence autant que l’apprentissage issu de nos expériences, y compris de nos erreurs. L’ouvrage explore la complexité de ce sentiment, oscillant entre illusion et vérité profonde révélée par l’absence. Il rappelle aussi que certaines épreuves, d’abord perçues comme des malédictions, se révèlent parfois être des bénédictions déguisées. Tout dépend du regard que l’on porte sur les événements et de notre capacité à en extraire du sens.
Écrire, est-ce une passion ?
Écrire est, pour moi, une nécessité vitale. D’abord journaliste en religions, puis créatrice de formations sur la créativité, l’écriture a toujours accompagné ma quête intérieure et mon rapport au monde. Aujourd’hui encore, elle irrigue ma pratique professionnelle comme thérapeute, nourrissant scripts et récits destinés à éveiller l’inconscient. Qu’il s’agisse de bloguer, de publier des livres ou de rédiger pour mon propre magazine anglophone, AceParents, écrire demeure un prolongement naturel de mon être, un don qu’il m’appartient d’entretenir. Les dons non utilisés disparaissent.
Êtes-vous comme votre héroïne Gigi ?
Gigi est une mosaïque de figures croisées au fil du temps, mais son regard sur la vie est profondément mien. Ma jeunesse, éclatante et nomade, entre Camden, Los Angeles ou Rhodes, a forgé en moi cette curiosité et cette soif de vivre qui transparaissent dans le personnage. Aujourd’hui encore, dans une vie plus ancrée d’épouse et de mère assez « tradi », je reste habitée par ce même émerveillement devant les cadeaux imprévisibles de l’existence.

« L’été Gigi » est disponible chez Chloé des Lys :
https://www.editionschloedeslys.be/catalogue/1399-l-%C3%A9t%C3%A9-gigi.html